Pourquoi Zelda TOTK est-il aussi addictif ?
Je vais vous dévoiler les techniques de game design utilisées par les développeurs de Nintendo qui exploitent des leviers psychologiques afin de nous rendre addicts et dépendants au dernier Zelda sorti sur Nintendo Switch en mai 2023.
Si vous jouez au dernier Zelda: Tears of the Kingdom, vous avez certainement ressenti le même sentiment que tout le monde. Celui de vouloir aller fouiller un endroit qui titille votre curiosité pour obtenir une récompense. Le problème c’est que ce sentiment ne s’arrête jamais et il nous fait passer des heures et des heures sans que l’on s’en rende compte.
On s’est tous dit : “Allez, je vais aller chercher ce coffre et ensuite j’arrêterai.”
Mais en fait non, on continue à vouloir progresser dans Hyrule pour tout fouiller comme un robot.
Des boucles de gameplay très courtes
Les game designers ont pensé et conçu cette envie d’aller explorer encore et encore pour obtenir de nouvelles récompenses, comme des ressources, des armes, des équipements d’armures rares.
C’est un principe très connu de game design qui s’appelle : les boucles de gameplay : Objectif > Challenge > Récompense
C’est ce qui structure un jeu vidéo et qui permet de faire progresser le joueur dans le jeu.
Vous connaissez certainement la fameuse boucle classique de gameplay : Porte > Monstre > Trésor
Exemple dans Zelda : Objectif : débloquer le trésor du camp de monstre > Challenge : détruire tous les monstres > Récompense : le contenu du trésor
D’ailleurs, j’explique tout cela dans mes formations Game Design.
Point très important : la récompense. C’est ce qui va nous motiver à aller se mesurer à ce challenge, créant ainsi l’objectif d’aller chercher ce trésor.
Et bien dans Zelda: TOTK les boucles de gameplay sont très courtes et donnent constamment des récompenses.
Exemples :
- Les sanctuaires sont très courts (2 et 10 min)
- Les camps sont assez petits (1 à 3 min)
- Les noix Korugu sont rapides à obtenir (moins d’une minute)
- Les ressources sur le chemin (quelques secondes)
En réalité, le jeu vous donne constamment ce petit plaisir de récompense lorsque vous ramassez un collectible tous les 10 mètres. C’est justement toutes ces récompenses qui vont donner du plaisir et procurer de la dopamine chez les joueurs (Molécule du bonheur). Comme une drogue, les joueurs vont alors partir en quête de ce plaisir en continuant à chercher de nouvelles boucles de gameplay. D’ailleurs même la recherche de lieux à explorer fait partie d’une boucle de gameplay. En plus de cela, le temps de trajet peut être de plus en plus court en utilisant toutes les capacités de déplacements : paravoile, cheval, téléportation, véhicules construits, etc.
Les développeurs ont adapté le temps de ces boucles de gameplay en fonction des habitudes des joueurs qui cherchent de plus en plus des boucles très courtes pour un plaisir quasiment immédiat. Le jeu peut alors se grignoter de temps en temps en allumant rapidement la console pour aller chercher cette dopamine.
La boîte de Skinner
En parlant de récompense, vous avez certainement remarqué que Zelda TOTK offre des récompenses à valeur aléatoire, surtout pour les coffres.
Parfois vous trouvez dans un coffre une super arme ou un diamant et parfois une Opale dégueulasse. Alors, vous continuez à jouer pour satisfaire vos désirs de récompenses à haute valeur.
Et cela me fait penser à la boîte de Skinner. Il s’agit d’une expérience réalisée par le psychologue américain B. F. Skinner.
Celui-ci a étudié le comportement des souris en laboratoire. Pour que celles-ci soient nourries, elles devaient pousser un bouton. Ce Docteur s’est aperçu que lorsque la nourriture n’est pas distribuée de manière prévisible (c’est-à-dire, à chaque pression exercée sur le bouton), les souris actionnaient le bouton encore plus souvent. C’est ce qu’on appelle la « récompense aléatoire ».
Ce principe est également appliqué dans Zelda, où tous les coffres offrent des récompenses à valeur aléatoire. C’est vraiment redoutable ! On désire alors ouvrir plusieurs coffres, mais on prend beaucoup plus de plaisir lorsqu’on trouve enfin un gros trésor. Cela nous rend addicts en voulant encore et toujours aller chercher cette récompense rare et précieuse.
Si les récompenses étaient toutes égales ou prévisibles, le plaisir serait beaucoup moins intense. Exemple : les sanctuaires donnent toujours le même type de récompense. Ce qui rend la découverte de la récompense moins plaisante.
Beaucoup de jeux dont les bandits manchots utilisent ce principe. Les vidéos TikTok, les Shorts YouTube ou les Réels d’Instagram ont justement un algorithme qui sait parfaitement équilibrer votre désir de récompense en vous faisant scroller comme les souris dans la boîte de Skinner. Vous êtes en quête de vidéos que vous appréciez, mais vous tomber principalement sur des vidéos bofs, alors vous appuyez sur le bouton pour chercher constamment cette petite dose de dopamine imprévisible.
Satisfaction des sons
Les effets sonores dans les jeux vidéo participent grandement au plaisir de jeu. La satisfaction d’entendre certains sons procure encore une fois de la dopamine.
Est-ce que vous pouvez faire le rapprochement entre le son joué lorsque Link collecte des objets et un autre son très connu ?
En effet, le son des machines à sous ont un ton très similaire. Nous sommes conditionnés à associer ce son à quelque chose de positif, de gratifiant, de récompensant avec de la valeur et synonyme de richesse.
Ho oui, il s’agit d’un son satisfaisant à entendre. Le simple fait de collecter une plante, une noix ou n’importe quel objet nous motive encore plus à aller chercher d’autres éléments à collecter et cela même si ceux-ci ne sont pas très intéressants.
Exemple : un simple gland qui est très peu nourrissant sera tout de même ramassé au détour du chemin même si l’on dispose déjà de 400 unités en stock.
Et d’ailleurs, cela est également valable pour tous les autres effets sonores positifs synonymes de récompenses comme l’ouverture des coffres à trésors.
Arrêter de jouer qu’à des moments clés
Quand est ce qu’on s’arrête d’y jouer ?
À quel moment pose-t-on la manette pour faire une petite pause ?
Au fil de mon aventure, j’ai parcouru divers lieux et divers sanctuaires. Je me suis aperçu que je posais la manette ou la console très souvent à certains moments précis. Pourtant ces moments n’arrivent que très peu souvent, car Zelda TOTK essaie constamment de nous maintenir en état de flow. Dans cet état, on perd la notion de temps et l’on prend plaisir à continuer une activité.
La théorie du flow du psychologue Mihály Csíkszentmihályi consiste à maintenir le joueur entre la frustration et l’ennui tout au long de sa progression. Les joueurs vont maîtriser de plus en plus les mécaniques et vont trouver le jeu de plus en plus facile sauf si la difficulté augmente progressivement.
Plus on progresse dans l’aventure, plus l’on prend du plaisir à jouer, car on maîtrise progressivement le jeu, donc les challenges sont en adéquation avec nos skills (compétences).
Pour augmenter artificiellement la difficulté, les développeurs de Zelda ont mis en place un système de Level Scaling. Ce système augmente la difficulté des ennemis en fonction des capacités du personnage joueur et donc du joueur. Les fameuses lunes rouges qui apparaissent tous les 7 jours font apparaître les monstres, mais avec un rang supérieur. Exemple : un Bokoblin rouge devient un Bokoblin noir avec plus de vie et un bouclier. Les rangs des ennemis dépendent très certainement de plusieurs paramètres dont les cœurs du héros, la valeur de défense des armures et la valeur d’attaque de l’équipement. J’ai remarqué cela lorsque j’ai augmenté la défense de mes tenues auprès d’une fée. Le jeu n’est plus le même ensuite.
Tout cela permet d’augmenter la difficulté, de proposer des récompenses plus intéressantes et d’éviter de tomber dans l’ennui. Si l’on tombe dans l’ennui, on arrête de jouer. Inversement, si l’on se fait éclater par un ennemi trop puissant, on va être frustré.
C’est à ce moment précis que l’on reprend conscience et que l’on se dit que l’on devrait arrêter de jouer.
Le Game Over est donc signe que le joueur doit se poser, changer d’approche dans ces nouvelles situations qui demanderont plus de préparation et un meilleur équipement. Qui dit meilleur équipement, dit également se motiver à aller chercher de quoi les fabriquer, donc on retourne très facilement dans la boucle infernale de motivation.
Points d’intérêts toujours visibles
Le gameplay de Zelda est basé sur l’exploration et la liberté, c’est clairement le principe d’un Open World. Le joueur est obligé de progresser sans indication claire sur le chemin à emprunter. L’objectif à atteindre est toujours différent. Pour attirer l’attention vers ces objectifs, les level designers ont disposé les fameux points de repère (Landmarks) à des endroits clés.
Nous sommes constamment stimulés par ces éléments visuels dans notre champ de vision. Monts, sanctuaires, groupes d’ennemis, grottes, lacs, ruines, tours, etc. C’est pour cela que nous avons toujours envie de continuer à aller satisfaire sa curiosité en quête de récompenses et de surprises. Plus on progresse, plus on découvre de nouveaux lieux à explorer et à fouiller en quête de récompenses.
Une vidéo de GMTK a déjà été faite sur le sujet et démontre très clairement comment les développeurs ont conçu le level design des points d’intérêts pour constamment donner des objectifs aux joueurs. Le joueur doit se perdre dans Hyrule, le forçant à explorer par lui-même.
Sentiment de complétion
L’exploration faisant partie du cœur du jeu, le joueur doit accomplir ses objectifs les uns après les autres en les trouvant. Pour cela, il doit balayer les zones à la recherche de quêtes. Accomplir une quête, fouiller les grottes dans les zones pour vider les coffres vient combler ce vide en venant cocher chaque petite parcelle que l’on vient d’explorer et de fouiller. Les points d’intérêt sont soigneusement disposés pour que leur fréquence soit finement équilibrée.
Sur la carte, la parcelle d’Hyrule non explorée créer ce sentiment d’insatisfaction qui doit être comblé rapidement afin de se soulager. Certains types de joueurs, ainsi nommés “Achievers” par le psychologue Richard Bartle, trouvent de la motivation et du plaisir à achever à 100% leurs tâches, leurs objectifs. La carte d’Hyrule peut être matérialisée par une grille remplie de cases à cocher. Les joueurs ne seront alors satisfaits que lorsqu’il aura coché toutes ces cases. Cela les rend fiers et ils ont enfin ce sentiment de travail accompli.
Le sentiment de liberté
La liberté offerte au joueur atteint des sommets inégalés, notamment par la possibilité de parcourir les donjons dans l’ordre de son choix. Cette approche non linéaire permet à chaque joueur de sculpter son aventure selon ses préférences, ajoutant une profondeur stratégique et personnelle à l’expérience de jeu. De plus, l’introduction de deux nouveaux terrains d’exploration – les souterrains mystérieux et les vastes étendues aériennes dans le ciel – enrichit davantage cette sensation de liberté, invitant à la découverte et à l’aventure au-delà des limites traditionnelles d’Hyrule.
L’innovation majeure réside également dans la capacité de construire des machines et des véhicules, évoquant la créativité enfantine des Legos. Cette fonctionnalité transforme l’interaction avec le monde de jeu, permettant aux joueurs de donner vie à leurs inventions les plus folles pour naviguer, explorer, ou combattre dans le royaume. Que ce soit en assemblant un engin volant pour atteindre les îles flottantes ou en construisant un char d’assaut pour défaire des ennemis, les possibilités semblent infinies.
La diversité des approches tactiques face aux défis du jeu renforce encore cette liberté. Que l’on privilégie le combat rapproché, l’infiltration, l’usage de la distance, ou même l’implication de robots et de véhicules de combat, chaque situation peut être abordée sous un angle différent. Cette multiplicité d’options stratégiques permet aux joueurs d’exprimer leur style de jeu unique, offrant une expérience personnalisée et variée.
L’ajout de la possibilité d’amalgamer des objets à ses armes, comme les arcs et les armes à courte distance, ouvre un nouvel horizon de personnalisation et de stratégie. Cette mécanique invite à expérimenter et à optimiser son équipement pour chaque affrontement, enrichissant la dimension tactique du jeu.
“Zelda: Tears of the Kingdom” célèbre une approche où les gameplays émergents prévalent, affirmant qu’il n’existe pas de mauvaise façon de naviguer dans ses challenges. Cette philosophie de jeu encourage l’expérimentation, la découverte et, surtout, l’expression personnelle à travers un monde vaste et riche en possibilités. Chaque joueur est libre de créer sa propre légende, dans un Hyrule plus expansif et interactif que jamais.
Sentiment d’intelligence et de puissance
L’expérience de jeu est transcendée par le profond sentiment d’intelligence et de puissance ressenti par les joueurs, grâce à une liberté d’exploration et de créativité sans précédent. Cette sensation est amplifiée par la possibilité d’aborder les donjons dans l’ordre souhaité, offrant une flexibilité stratégique qui place le joueur aux commandes de son aventure. L’ajout de nouveaux environnements, tels que les vastes étendues aériennes et les profondeurs souterraines mystérieuses, pousse à l’exploration audacieuse et à la découverte, mettant en évidence l’ingéniosité nécessaire pour naviguer sur ces terrains inédits.
L’aspect le plus révolutionnaire réside dans la capacité à construire des machines et véhicules à partir de l’imagination du joueur. Cette fonctionnalité offre une nouvelle dimension de puissance, permettant aux joueurs de surmonter obstacles et ennemis de manière inventive. La diversité des approches tactiques – que ce soit à travers le combat, l’infiltration, l’utilisation de véhicules de combat, ou la fusion d’objets avec des armes – illustre la liberté d’exprimer son intelligence stratégique dans chaque défi.
Parfois, les joueurs ont le sentiment de “hacker” le jeu en utilisant des stratégies pour passer facilement un défi comme un puzzle ou un combat en utilisant des stratégies très puissantes qu’il a découvertes.
Exemple : utiliser le bouclier et un propulseur pour atteindre la sortie d’un sanctuaire et passer totalement les puzzles qui étaient prévus.
Ce jeu encourage vivement l’expérimentation et valorise chaque découverte, affirmant qu’il n’y a pas de mauvaise manière de progresser. La capacité d’amalgamer des objets sur les armes, par exemple, enrichit les possibilités tactiques et personnalisables, offrant au joueur un large éventail d’outils pour exprimer sa créativité et sa puissance. Ainsi, “Zelda: Tears of the Kingdom” célèbre un gameplay émergent, où l’intelligence émerge de la liberté d’action, et où la puissance se manifeste dans la capacité à façonner l’environnement et les situations à sa guise. Dans ce royaume d’Hyrule, chaque joueur se forge une expérience unique, marquée par des moments de triomphe qui témoignent de sa propre ingéniosité et de sa maîtrise du jeu.
Répondez à cette question en commentaires : “Est-ce que vous vous êtes senti fort et intelligent en jouant à Zelda TOTK” ?
Console portable en veille
Ce n’est pas une découverte, la Nintendo Switch est une console portable hybride qui peut être emportée partout. Tout comme votre smartphone, il peut être sorti et utilisé en une fraction de seconde en déverrouillant celui-ci, parce que le téléphone est en veille. On a très vite sa dose de dopamine en lançant TikTok en moins d’une seconde.
Et bien, pour récolter sa dose de dopamine avec Zelda, c’est aussi simple, car la console n’est jamais arrêtée, mais en veille. Donc, réactivable instantanément.
Il suffit de prendre sa console et d’appuyer 3 fois sur le même bouton pour relancer la partie en immédiatement.
Rappelez-vous que les boucles de gameplay sont très courtes, donc quelques petites minutes peuvent suffire à progresser et à collecter une petite récompense comme une noix Korugu.
Dites-moi en commentaires si vous aussi, vous vous êtes surpris à prendre la console de son socle et à l’allumer pour juste aller explorer un bout d’Hyrule en quête de petits trésors.
Conclusion
Ce dernier opus de Zelda offre une nouvelle fois la possibilité de vivre une expérience riche et diversifiée. Tout est satisfaisant et procure très rapidement du plaisir. Ce plaisir peut être rapidement obtenu de diverses façons et donne un espace de jeu immense bourré de petits secrets et trésors.
QCFD : c’est la raison pour laquelle Zelda Tears of the Kingdom est aussi amusant et addictif.
Dites-moi en commentaires votre ressenti ou des aspects du jeu qui le rendent addictif.
Bon dev et à bientôt !